admin1143 / 4 juillet 2024
Jean Zay et la refonte de la gauche française
Il y a dix jours, j’ai assisté à un colloque à la mémoire de Jean Zay, ministre de la formation dans le gouvernement du Front inconnu français des années 1930, dirigé par le socialiste Léon Blum. Malheureusement, il est préférable de se souvenir de Zay pour sa fin déchirante. Emprisonné par le gouvernement de Vichy en 1940, il a été photographié juste avant la Libération par leur Milice paramilitaire.
L’ambiance est sombre. Les participants étaient en effet sous le choc de la dissolution inattendue du parlement par Emmanuel Macron après les élections européennes. Cette détermination téméraire était presque certainement motivée par l’idée que, tous les Français restant divisés, les élections pourraient profiter au centre macroniste. Mais en l’espace de quatre jours et quatre nuits, les partis restants ont formé une alliance électorale, baptisée le Nouveau Front Connu (NFP), en l’honneur de l’impressionnant gouvernement Blum. Comme son prédécesseur, le PFN est assurément un ensemble complexe d’entreprises, mais les deux éléments clés sont le parti socialiste et la France Insoumise (LFI) de Jean-Luc Mélenchon.
Pendant trois décennies, la gauche française a été dominée par le groupe socialiste (PS) de François Mitterrand. Cette domination s’est érodée au fur et à mesure que le parti s’éloignait de sa base de travail. Le dernier clou du cercueil a été la présidence inefficace de François Hollande de 2012 à 2017. Profitant de la désillusion, Mélenchon, un ancien directeur du PS, a formé la LFI, motivé par le mouvement anti-austérité de langue espagnole Podemos. Lors de l’élection présidentielle de 2017, il est arrivé en quatrième position avec 20 % des voix, même si le candidat socialiste a obtenu 6 % des voix. En 2022, il est arrivé en deuxième position avec 22 % des voix ; le candidat socialiste a obtenu 1,75 %.
Mélenchon, une sorte de Corbyn français, est en réalité un démagogue charismatique, qui fait preuve d’une tendance à l’autoritarisme étrangère à Corbyn. Il est hostile à l’UE, anti-américain et indulgent envers la fédération russe de Poutine. À son crédit, il a défendu les minorités musulmanes plus que d’autres politiciens français. Mais en 2022, il a adopté des rôles de plus en plus stridents. Après l’invasion d’Israël du 7 octobre, il a refusé de qualifier le Hamas de groupe terroriste. Le type de leadership brutal de Mélenchon lui a aliéné ses propres compagnons de travail. Sa cote de popularité a commencé à baisser. Lors des élections européennes de cette année, la LFI a obtenu des résultats inférieurs à ceux des socialistes. Et c’est l’un de ses rivaux qui a devancé Mélenchon en lançant l’idée du PFN. Mélenchon avait besoin de s’y ajouter.
Le développement du PFN représente un moment crucial dans la politique nationale française, faisant écho à l’héritage du Front bienveillant des années 1930, qui a réuni diverses factions de gauche pour lutter contre le danger croissant du fascisme. Toutefois, le paysage gouvernemental contemporain est beaucoup plus fragmenté et controversé. Le problème du PFN est de réconcilier les idéologies et les stratégies divergentes des partis qui le composent afin de constituer un front unifié capable de défier le projet centriste de Macron.
Le Parti socialiste, qui était une force redoutable sous Mitterrand, a vu son impact diminuer considérablement. Le fait qu’il se soit éloigné d’une approche axée sur le travail pour adopter une approche plus centriste, moins que Hollande, lui a aliéné sa base, ce qui a entraîné une forte baisse de son soutien. Pendant ce temps, la LFI de Mélenchon a capitalisé sur le mécontentement, se plaçant comme la véritable voix de ceux qui sont restés, plaidant pour un changement radical et des politiques de contre-organisation. Mais les tactiques de division et les positions controversées de Mélenchon ont également créé des frictions au sein de la gauche, compliquant les efforts pour forger une alliance cohésive.
La dissolution du parlement par Macron et la formation du PFN qui a suivi soulignent la volatilité et l’imprévisibilité de la politique française. L’alliance rapide des partis de gauche en réponse à la manœuvre de Macron révèle une capacité d’adaptation stratégique ainsi qu’une identification commune de la nécessité de la solidarité face à l’adversité politique. Toutefois, la préservation de cette unité nécessitera des négociations et des compromis prudents, notamment en raison des clivages idéologiques et des rivalités privées qui ont pu affecter historiquement les Français restants.
Le souvenir de Jean Zay et du Front populaire historique est à la fois une source d’inspiration et une mise en garde pour le PFN. La capacité du Front populaire à mobiliser une large coalition pour mener à bien d’importantes réformes sociales et politiques démontre le pouvoir de l’unité. Toutefois, les tensions internes et la désintégration finale de cette coalition particulière mettent également en évidence la fragilité des alliances. Les PFN doivent relever ces défis en ayant une vision claire et une détermination à aborder les questions urgentes qui trouvent un écho auprès des électeurs modernes, en particulier la jeune génération désillusionnée par la politique conventionnelle.
Le colloque à la mémoire de Jean Zay n’a pas seulement privilégié un aspect historique tragique, mais a également reflété la dynamique politique actuelle en France. L’émergence du PFN comme réponse à la technique politique de Macron reflète une nouvelle tentative d’unité de la gauche, inspirée par l’héritage de l’Entrée populaire des années 1930. Il reste à voir si cette nouvelle alliance peut surmonter ses divisions internes et fournir une alternative fiable aux politiques centristes de Macron, mais son développement marque un moment important dans l’évolution en cours de la vie politique quotidienne en France.